Rapport au Conseil des Gouverneurs du CMR par le groupe d'étude Withers
Examen du Programme de premier cycle au CMR Excellence équilibrée :
élément moteur des forces armées du Canada à l'aube du nouveau millénaire
4500-240 (ADM (HR-Mil))
Le 24 septembre 1998
Voir : p. 53 de 81 de la copie officiele imprimée du rapport
Le pilier militaire est d'une faiblesse inacceptable. Plusieurs facteurs sont à la base de cette situation paradoxale. Les plus influents sont les suivants :
- les changements dans la politique ministérielle (y compris la fermeture du RRMC, du CMR et l'unification à Kingston);
- la continuité et la solidité du pilier académique; et
- le roulement rapide du personnel militaire au Collège, plus particulièrement du commandant.
Par le passé, le programme militaire n'a pas été élaboré ni présenté de façon professionnelle.
Les membres du personnel militaire clé comme les commandants des escadrons sont mal préparés à l'exercice de leurs fonctions qui sont d'ailleurs mal définies. Il y a peu de préparation réaliste à la vie dans le monde concret des Forces. Ceci s'applique également à la mission des MR. Les jeunes officiers devront travailler en étroite collaboration avec leurs subalternes dès les premières années de leur carrière. Par la suite, ils devront assurer cette relation durant toute leur carrière. L'ignorance de cette ressource réduit leur rendement et freine leur perfectionnement.
Il ne devrait y avoir aucun doute que la faiblesse du pilier militaire est le grand facteur de démotivation des officiers ayant par ailleurs un excellent potentiel sur le campus aujourd'hui. La situation s'aggrave encore du fait que dans une large mesure, la formation d'été à l'extérieur du campus est aussi lamentablement inappropriée. Il est clair que les écoles, les unités et les établissements de formation n'ont pas accordé la priorité à la formation des élèves-officiers durant l'été.
a. Ethos et éthique militaires :
Inculquer l'ethos militaire à des officiers en devenir s'avère un processus difficile. L'ethos est difficilement mesurable. Les normes de comportement doivent être élevées et leur raison d'être clairement comprise. Ces normes doivent être rigoureusement appliquées et il faut intervenir constamment et fermement advenant leur non-respect. Des modèles de rôle exceptionnels doivent pouvoir permettre d'atteindre la réussite. Par la suite, les élèves absorbent les normes d'éthique à partir du milieu dans lequel ils oeuvrent. Elles sont renforcées par des méthodes magistrales élaborées avec soin comme l'instruction, le tutorat et les groupes de discussion.
Au CMR, on n'accorde pas suffisamment d'attention à ce processus. Il semble qu'on fait très peu pour s'assurer que les quatre piliers contribuent à l'objectif dans une mesure pertinente. En réalité, la vérité est le fondement de toute entreprise intellectuelle. Le devoir et la valiance devraient se manifester dans la routine quotidienne de tous les élèves-officiers, alors que le courage moral remplace la diversité matérielle du champ de bataille. L'étude sérieuse de l'histoire militaire est la matière favorisant une intense réflexion sur toutes ces vertus manifestées à travers les siècles.
Par conséquent, il doit y avoir une toile continue qui relie tous les piliers, permettant aux élèves de se déplacer entre eux sans constater de différence dans les méthodes ou les normes. Plus particulièrement, un énoncé clair de l'ethos militaire voulu articulé par le pilier militaire doit être sciemment renforcé par le pilier académique à travers l'instruction magistrale et la routine quotidienne.
À cet égard, la présence d'officiers militaires en salle de cours présentant des exemples significatifs de la façon dont l'ethos militaire approprié s'applique pendant toute la carrière d'un officier est hautement souhaitable. Concurremment, il ne faut rien cacher de la réalité de la vie au sein de la communauté élargie des FC. Les élèves-officiers doivent apprendre à reconnaître les questions morales du monde réel et tenir compte d'éléments d'ordre éthique dans la prise des décisions. L'ethos militaire prend racine dans le soin des subalternes dans la réalité. Au centre du leadership éthique, il y a l'obligation de s'occuper des subalternes avant des opérations en les entraînant, en les équipant et en les appuyant afin qu'ils aient une bonne chance de combattre, de vaincre et de revenir chez eux; s'en occuper durant les opérations grâce à un leadership et à un soutien professionnels; et s'occuper d'eux après les opérations en satisfaisant à leurs besoins parce qu'ils ont servi et en honorant leurs exploits. Il faut que ces impératifs soient inculqués aux élèves-officiers durant leur séjour au CMR.
Dans une large mesure, la volonté actuelle de remettre l'accent sur le « M » au CMR traduit l'échec de l'institution et des FC relativement à la création d'un milieu dans lequel des élèves-officiers vivent et respirent chaque jour l'ethos militaire canadien souhaité. Plusieurs des recommandations de l'étude visent des objectifs permettant de développer l'ethos requis. Le groupe d'étude a accepté d'emblée la définition et la discussion portant sur l'ethos militaire et l'éthique décrite dans le Manuel de perfectionnement professionnel des officiers des FC. Les définitions qu'il contient établissent la norme de ce qui doit être réalisé au Collège. Nous en donnons ici quelques extraits.
Voici ce que dit le Manuel en ce qui concerne l'ethos et l'éthique :
« Ethos. Servir dans les FC, c'est adhérer à un ethos militaire particulier. Ethos s'entend du sens d'appartenance à une unité, à un élément, à un commandement, à une formation, à une force ou à un pays. L'ethos traduit les principes auxquels vous croyez. Ces principes sont compris dans les énoncés suivants :
- vous croyez que le Canada est un pays fort et libre et vous acceptez que l'ultime raison de l'existence des Forces armées canadiennes est le maintien de la sécurité, de la justice et de la paix au Canada. Vous croyez que le moyen de réaliser ces objectifs est de participer à la mise sur pied et au maintien d'une force militaire professionnelle;
- vous croyez que cette profession des armes, qui fait partie intégrante de la société canadienne, forme un sous-ensemble distinct de la structure totale du Canada. Vous faites partie d'un groupe qui a été chargé d'une mission particulière : servir le pays grâce au maintien de sa sécurité et à la défense de sa souveraineté - si nécessaire, par l'application de la force militaire;
- vous convenez que le pouvoir d'appliquer cette force nécessite que votre profession soit bien structurée, que vous devez adhérer à une chaîne de commandement clairement définie et obéir à un code de conduite, le Code de discipline militaire;
- vous croyez que la société militaire est une bonne société faisant sienne les vertus morales de prudence, de justice, de patriotisme, d'obéissance, de véracité et de patience. Ces vertus morales influent sur vos rapports avec vos confrères d'arme et vous croyez que ces valeurs découlant d'un code d'éthique traditionnel font partie de celles de la société canadienne contemporaine;
- vous convenez que le travail d'équipe est essentiel à la survie et à la réussite de l'unité militaire et, par conséquent, vous acceptez la nécessité des cycles continus de formation et d'exercice. Ceci permet d'assurer que non seulement le groupe fonctionne comme une entité disciplinée et professionnelle, mais encore que chacun de ses membres est formé pour performer comme il se doit tant dans le rôle qui lui est assigné que comme membre de l'équipe, et que ces aptitudes à l'exercice futur d'un commandement sont reconnues et servent de modèle;
- vous convenez qu'en vous portant volontaire au service de votre pays, vous devez accepter les contraintes de certaines libertés, y compris certains droits découlant du processus démocratique;
- vous acceptez ces responsabilités en mémoire de vos camarades qui sont morts au service de leur pays et vous devez vous assurer que leur mémoire et leurs idéaux ne sont pas oubliés.
éthique. Lorsque vous entrez dans les FC, vous avez des valeurs personnelles et sociétales acquises. C'est ce qu'on appelle l'éthique. L'instruction et la pratique de l'éthique a renforcé ces valeurs et vous avez appris à travailler en respectant des modèles éthiques personnels ou de groupe précis ou indéterminés. L'instruction en matière d'éthique vous permettra d'acquérir les connaissances et la théorie de l'éthique; cependant, on attendra de vous que vous preniez des décisions éthiques pour vous-même, lorsque vous serez aux prises avec des dilemmes d'ordre éthique durant votre carrière. L'instruction en matière de comportement éthique n'est pas le propre d'une institution en particulier et, par conséquent, elle sera abordée dans un certain nombre de cours magistraux ou dans certaines parties de cours, ou grâce à des expériences concrètes soit à l'exercice ou dans le cadre d'opérations réelles. L'instruction éthique magistrale permet d'améliorer votre capacité cognitive de résoudre des dilemmes d'ordre éthique et elle a pour but de vous préparer à la prise de décisions d'ordre éthique plus difficiles, ce qui se produira inévitablement durant les opérations de temps de guerre et/ou de maintien de la paix. Ce domaine du perfectionnement professionnel est important durant votre carrière. »
Afin de favoriser le développement de l'ethos militaire approprié au CMR, le groupe d'étude recommande ce qui suit :
Recommandation 15 :
Inclure spécifiquement dans le pilier militaire la définition, la compréhension et le développement de l'éthos militaire. Commentaire : Ce programme doit être entièrement imprégné du concept de la contribution à la réussite;
Recommandation 16 :
S'assurer que tous les officiers en uniforme sur le campus servent de modèles de rôle. Cependant, il est fondamentalement important que les commandants d'escadron soient choisis pour leurs qualités en tant que modèles de rôle. De plus, il faut accroître, pour les élèves-officiers, les occasions de côtoyer le plus grand nombre d'étudiants du troisième cycle dans le plus grand nombre de tribunes possible;
b. Formation militaire professionnelle au CMR :
Dans le cadre du programme du CMR, la formation militaire comprend celle qui est donnée durant l'année scolaire et durant l'été. Par conséquent, la nécessité d'une collaboration soutenue entre le Collège et les FC est évidente. Une coordination plus étroite est requise afin d'assurer que la formation au Collège ne soit pas qu'un pâle reflet du type de formation meilleure et conduite de façon plus efficace au sein des unités spécialisées des FC. Le pilier militaire doit mettre l'accent sur ses forces qui comprennent les ressources du pilier académique et sur le nombre important d'officiers diplômés qui résident à Kingston.
Un très grand nombre de témoignages entendus par le groupe d'étude traduisent un réel mécontentement en ce qui concerne la formation militaire au CMR tant de la part des élèves-officiers que des commandants et de l'état-major qui, en bout de ligne, emploient les diplômés. Les élèves-officiers ne connaissent aucun problème cohérent où l'apprentissage est progressif et orienté sur des objectifs clairement définis. Par le passé, les programmes ont été mal définis et ils reflètent souvent les préférences particulières des commandants et des états-majors en place. Par-dessus tout, il n'y a aucun système permettant de valider les objectifs et les normes de formation, et les résultats de la formation ne sont pas contrôlés à long terme. Beaucoup de cela traduit le fort roulement du personnel militaire et la sélection de celui-ci fondée sur des critères en grande partie non liés aux habiletés de formateurs. De fait, le CMR compte très peu de formateurs spécialisés, la majorité de ces postes étant occupés par des officiers exerçant d'autres fonctions non connexes.
Le rapport personnel-élèves en ce qui concerne le pilier militaire doit être accru. En termes pratiques, cela se produira naturellement grâce à l'utilisation accrue d'étudiants diplômés, l'ajout de MR et autres mesures proposées dans ce rapport. Le rôle des élèves-officiers de quatrième année, tel qu'envisagé dans le modèle d'excellence équilibrée, sera tout particulièrement important. Grâce à ces ressources en étudiants utilisées comme il se doit, ces ressources étant elles-mêmes supervisées par les commandants d'escadron et les MR, le rapport efficace personnel-élèves devrait être de 1:10 approximativement.
La formation au commandement doit être au coeur de tout ce que les élèves-officiers font au CMR, mais elle demeure relativement floue. Outre un petit nombre de cours d'un semestre, la formation magistrale fait défaut. Même s'il existe souvent des fonctions et des projets de commandement dans lesquels on doit faire preuve de leadership, la rétroaction sur les résultats et l'instruction de rattrapage sont relativement rares. Le niveau de cette dimension capitale du perfectionnement professionnel des officiers doit être relevé au Collège.
Les exercices militaires et les défilés sont des activités nécessaires et valables dans toute organisation militaire. Ils contribuent à l'acquisition d'une discipline personnelle et projettent une vision concrète de l'organisation particulière dans laquelle la personne sert. Cependant, l'exercice militaire ne remplace pas une autre formation plus concentrée et souvent plus pertinente. L'optique des exercices militaires au CMR doit traduire la formule suivie par les Forces dans leur ensemble. Ainsi, il faudrait réduire le nombre des exercices militaires au CMR. Le groupe d'étude n'était pas prêt à proposer un calendrier exact des périodes réservées à cette activité. Il recommande fortement que le programme d'exercice militaire soit attentivement examiné dans le but de réduire d'une manière plutôt importante les heures consacrées à cette activité. Les heures de formation nouvellement réservées devraient être consacrées à des formes de formation militaire utile et motivante.
c. Formation militaire professionnelle par les FC
L'entraînement d'été pour les élèves-officiers de la marine et de l'aviation est nettement insatisfaisant. Ces personnes intelligentes et motivées au départ sont employées à de petites tâches généralement sans rapport avec leur GPM et souvent de caractère aucunement militaire. Une telle situation traduit le fait que dans de nombreux cas, la formation nécessaire dans le GPM ne peut pas se faire durant deux ou trois courtes périodes discontinues l'été lorsque les unités de vol opérationnelles prennent un congé nécessaire et que les navires sont à quai. Pour l'armée, la situation est meilleure l'été, mais il y a encore ici place à l'amélioration.
Au sein des Forces, la situation actuelle a suscité une attitude profondément ancrée que le dicton populaire ne peut mieux décrire : « les FC devraient instruire ceux qui sont motivés, et non pas motiver ceux qui sont instruits » . Créer une telle dichotomie n'est pas une démarche productive. Pour les Forces, le CMR est une institution qui forme de futurs officiers d'une manière qui met au défi les armées d'assurer la motivation requise en dépit d'une résistance bien ancrée. D'autre part, le CMR pense que les FC n'accordent pas suffisamment d'importance à l'éducation de haute qualité ou à la nécessité de recruter ceux qui sont les plus aptes à exercer la profession.
L'éducation et la motivation sont inextricablement liées et il faut faire en sorte qu'elles s'appuient mutuellement. La recherche de l'équilibre approprié entre ces deux éléments, la nécessité de présenter une formation efficace dans le GPM au lieu de donner des cours d'initiation (été), et la prestation de cours réguliers de haute qualité ont fait en sorte que le groupe d'étude propose une modification fondamentale de la pratique actuelle. C'est ce qui a été fait dans le modèle d'excellence équilibrée décrit plus en détail plus loin dans ce rapport.
Le modèle d'excellence équilibrée qui met l'accent sur le développement de l'ethos militaire, l'intégration des quatre piliers et une meilleure coordination avec les FC, indique qu'on a besoin d'officiers des FC prêts à être employés à la fois dans les piliers académique et militaire. Il faut que les officiers soient qualifiés pour enseigner au CMR, servir de modèles de rôle et contribuer à la formation dans le pilier militaire. De fait, ces officiers pourraient occuper très avantageusement d'autres postes, par exemple le poste de directeur de groupe d'étude au Collège des FC à Toronto et d'instructeur dans le cadre des nouveaux cours EP4 (niveau de colonel/général).
Pour améliorer la formation militaire au CMR, le groupe d'étude recommande ce qui suit :
Recommandation 17 :
Exiger du commandant un programme de formation exhaustif qui définisse les objectifs et précise les méthodes et les ressources de formation, y compris celles provenant du pilier académique et des étudiants diplômés. Ce programme devrait être contrôlé sur une base régulière;
Recommandation 18 : Nommer le commandant pour une période de cinq ans.
Commentaire : Il s'agit de l'affectation la plus délicate, parce que le commandant exerce le plein commandement tout comme au sein de n'importe quelle unité ou formation des FC. Il faudrait prendre soin d'assurer la continuité en décalant les affectations du commandant et du recteur. Il faudrait envisager de désigner un officier distingué à la fin de sa carrière. De fait, le Conseil, en collaboration avec le MDN et le CEMD, devrait examiner la possibilité de mandater pour une période déterminée un officier au tout début de sa retraite;
Recommandation 19 : Examiner la structure des grades supérieurs du CMR.
Le groupe d'étude endosse l'idée de faire passer le grade du directeur des élèves-officiers à celui de colonel, le poste de commandant étant toujours occupé par un officier général de la marine/officier général;
Recommandation 20 :
Chercher à établir un meilleur rapport personnel-élèves dans le pilier militaire grâce à l'emploi d'étudiants de diplômés et d'étudiants de quatrième année comme guides et formateurs.
Recommandation 21 : Augmenter le nombre des MR supérieurs au CMR.
Commentaire : Nommer des MR formateurs de haute qualité au grade d'adjudant ou d'adjudant-maître dans chaque escadron.
Recommandation 22 : Augmenter et intensifier la formation au commandement au CMR.
- Examiner les avantages que comporterait l'atteinte de cet objectif en mettant sur pied un institut du commandement au sein du CMR. Cet institut aurait de vastes responsabilités en matière de recherche sur l'art du commandement, l'enseignement et le tutorat;
- établir le CMR comme le « centre d'excellence » de toutes les FC en ce qui concerne l'art du commandement.
Recommandation 23 : Renforcer les communications orales et écrites dans le pilier militaire.
Commentaire : Augmenter la norme prévue concernant les communications orales et écrites en leur donnant plus d'importance dans le pilier militaire. Ceci comprendrait l'art oratoire et la relation avec les médias;
Recommandation 24 : Utiliser le tronc commun recommandé dans le pilier éducationnel pour faire le pont entre les deux piliers.
Commentaire : Des exemples militaires pertinents en ce qui concerne les cours appropriés donnés dans le pilier académique devraient être tirés des activités ayant lieu dans le pilier militaire.