Le Collège militaire royal (CMR) est situé sur la Pointe Frederick, une petite péninsule un peu à l’est de Kingston, en Ontario. La pointe est nommée en l’honneur du général sir Frederick Haldimand, qui fut gouverneur de Québec de 1777 à 1786. L’emplacement pittoresque de la Pointe Frederick, à la jonction du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent, a une grande portée historique.
Consultez les liens ci-dessous pour découvrir l’histoire et l’importance de la Pointe Frederick et du CMR.
Survol historique de la Pointe Frederick et du Collège militaire royal
Chasse et pêche sur la Pointe Frederick
La prospection de sites archéologiques et les analyses archéologiques des éléments trouvés à la Pointe Frederick montrent que les peuples autochtones habitaient et occupaient l’emplacement à partir de l’Archaïque supérieure jusqu’au Sylvicole Moyen (période allant de 1 500 avant notre ère jusqu’à l’an 1 000 de notre ère).
Les puits préhistoriques peu profonds et les artéfacts de chasse retrouvés dans ce qui aurait été la partie la plus étroite de la péninsule nous portent à croire que les peuples autochtones utilisaient ce territoire pour la chasse, notamment pour repousser les cerfs jusqu’à l’extrémité de la pointe d’où ils étaient faciles à abattre. On a trouvé des artéfacts dans une zone distincte, ce qui indique l’existence d’un camp de pêche saisonnier à la Pointe Frederick. La grande variété d’artéfacts laisse supposer que le camp a sans doute été utilisé par différents groupes autochtones pour diverses raisons sur une longue période.
Provincial Marine (marine provinciale)
À la fin de la Révolution américaine, Carleton Island, avec sa station navale et son arsenal maritime, devient une propriété des États-Unis d’Amérique, laissant la Grande-Bretagne sans station navale sur le lac Ontario. En 1783, le gouverneur général Frederick Haldimand ordonne l’établissement d’une nouvelle station à Cataraqui (qui deviendra Kingston). La Provincial Marine se réinstalle à la Pointe Frederick en 1789 et devient un dépôt d’approvisionnement actif, un arsenal maritime et un point de transbordement pour les Britanniques. Lorsque les États-Unis déclarent la guerre à la Grande-Bretagne en juin 1812, la Provincial Marine répond en attaquant Sacket’s Harbor, dans l’État de New York. L’attaque est un échec. Au mois de mai suivant, la Royal Navy prend les commandes de l’arsenal maritime de la Pointe Frederick.
Arsenal de la Royal Navy
La guerre se poursuit. Les installations de la Pointe Frederick, désormais sous le contrôle de la Royal Navy, sont considérablement agrandies et la péninsule est fortifiée. Un blockhaus, des remparts de terre, des postes de garde et des baraquements sont construits pour soutenir la batterie, et le premier Fort Frederick voit le jour. À la fin des hostilités en 1815, de nombreuses chaloupes-canonnières et six navires de guerre dont un de première classe, le Navire de Sa Majesté (NSM) St Lawrence, sont construits dans le chantier naval.
Pendant une certaine période après la guerre de 1812, alors que la politique coloniale britannique et les relations entre la Grande-Bretagne et les États-Unis sont à géométrie variable, les installations militaires et navales dans la région de Kingston sont renfoncées et continuent de se développer. On construit le canal Rideau afin d’assurer un lien logistique sécuritaire entre Montréal et l’arsenal. Le Fort Henry est reconstruit en pierres, comme le sont de nombreux bâtiments de l’arsenal, et un peu plus tard, des groupes de tours Martello sont construites le long du littoral de Kingston, notamment la Fort Frederick Tower, pour renforcer les défenses du port de Kingston. L’arsenal, dont les activités étaient menées à capacité réduite depuis l’Accord Rush-Bagot de 1817, est fermé définitivement en 1853.
Établissement du Collège militaire royal
Lorsque la Grande-Bretagne entreprend de retirer son appui militaire au Canada en 1870, ce dernier ne dispose pas encore de ses propres forces militaires permanentes. Les membres du nouveau gouvernement du Canada reconnaissent la nécessité d’établir un collège militaire canadien, mais la plupart d’entre eux estiment que la milice civile est suffisante pour défendre le Canada.
En 1874, le gouvernement du Dominion, pendant le mandat de l’honorable Alexander Mackenzie, parvient à rassembler suffisamment de soutien auprès des Libéraux comme des Conservateurs pour édicter une loi visant à établir un collège militaire dont le mandat serait [traduction] « de fournir une formation complète dans tous les domaines de la tactique, de la fortification et du génie militaires, et d’offrir un enseignement scientifique général dans les disciplines directement liées à la profession militaire et nécessaire à une connaissance approfondie de celle-ci ». Afin de désamorcer l’opposition politique que suscite le concept de collège militaire, le gouvernement insiste tout particulièrement sur le rôle de bâtisseurs du pays qu’une formation en génie conférerait aux diplômés.
Le nouveau commandant du Collège, le lieutenant-colonel (et futur lieutenant-général) E.O. Hewett du Corps of Royal Engineers, accueille donc la première classe composée de 18 élèves-officiers, « The Old Eighteen » (les Dix-huit anciens), en juin 1876. Le lieutenant‑colonel Hewett reste aux commandes de l’établissement pendant onze ans et établit de nombreuses traditions et règles pour le Collège, dont certaines sont toujours en vigueur à ce jour. Il choisit la devise du Collège, « Vérité, Devoir, Vaillance » et conçoit les premières armoiries, encore actuelles.
Au moment où le Collège ouvre ses portes, le Canada dispose déjà d’une petite armée permanente qui offre un nombre limité de postes d’officiers commissionnés. L’armée britannique accorde quant à elle au moins quatre brevets d’officier à des diplômés chaque année, dans des postes très prisés par ceux qui souhaitent se diriger vers une carrière militaire dans l’Empire. Toutefois, la plupart des diplômés retournent à une profession civile et se mettent au service de la milice quand l’occasion se présente.
Le Collège à ses débuts
Les premières années du Collège sont tumultueuses. Au départ, l’établissement n’est constitué que d’un seul bâtiment pour les élèves-officiers. Il s’agit de la Frégate de pierre, un lieu d’entreposage datant de l’époque de l’arsenal de la Royal Navy, converti en casernes et en salles de classe. Dès le début, les classes sont surpeuplées. Malheureusement, l’ouverture en 1878 du nouvel édifice Mackenzie destiné à l’enseignement ne change presque rien. Le manque d’infrastructures ainsi que des problèmes comme le mauvais drainage et l’accès difficile à l’eau potable, qui engendrent des maladies chez les élèves-officiers et le personnel, préoccupent le colonel Hewett.
La représentation des populations francophones et anglophones est également préoccupante dès le début. Dès 1878, des plaintes sont soulevées selon lesquelles la représentation des Canadiens français parmi les élèves-officiers n’est pas équitable. De légers changements sont apportés, mais il faudra quand même attendre jusqu’aux années 1970 pour que le Collège finisse par intégrer une formation en langue seconde à son programme.
En 1888, on constate que l’établissement dans son ensemble est en déclin. La War office (ministère de la Guerre) juge que la qualité de l’instruction chez les diplômés du Collège s’est détériorée. On estime que le Collège met trop peu l’accent sur l’instruction militaire et que certains professeurs de l’établissement sont de piètres instructeurs. En 1896, un nouveau commandant, le colonel G.C. Kitson, est nommé à la tête du Collège. Il s’attelle immédiatement à la tâche : il renvoie des membres du personnel civil, il coupe la durée du programme à trois ans au lieu de quatre et il raffermit les normes disciplinaires.
À la fin de la guerre des Boers en 1902, il devient évident que la nature de la guerre évolue et que le Canada devra se constituer une armée professionnelle dans ce contexte. D’importants projets de construction sont réalisés à cette époque, et le nombre d’élèves-officiers monte en flèche. Ces derniers doivent dorénavant participer à des camps d’instruction de la milice, et l’on s’attend généralement à ce qu’une fois diplômés, ils acceptent des commissions dans les forces permanentes du Canada, la milice active ou les forces impériales.
Le Collège militaire royal pendant la période des deux guerres, 1914-1945
Tout au long de la Première Guerre mondiale, le Collège conserve son statut de collège d’élèves-officiers. La durée du programme est réduite à deux ans au plus et un volet additionnel d’instruction militaire est ajouté. Les jeunes garçons entrent au Collège et reçoivent le maximum de formation et d’instruction possible; ils sont ensuite commissionnés, puis envoyés en service actif, dès leur majorité.
En 1919, le major-général sir Archibald Macdonell est choisi comme commandant du Collège. Ancien élève-officier ayant remporté plusieurs médailles de distinction durant la guerre, il inspire un profond respect à ceux qu’il a menés au combat. Le major-général Macdonell réintroduit le traditionnel « uniforme écarlate » des élèves-officiers et il rétablit le programme de quatre ans qui avait cours avant la guerre. De nouveaux drapeaux consacrés sont aussi présentés au CMR pendant qu’il en est le commandant. Le Collège s’agrandit aussi bien par sa taille que par la portée de sa mission, et il est perçu comme l’établissement de choix pour l’éducation des jeunes hommes.
Quand la Seconde Guerre mondiale éclate en 1939, le Collège garde son rythme, mais il se prépare aussi pour l’avenir. À l’instar de la Grande Guerre, les cours des élèves-officiers déjà au Collège sont raccourcis, et les finissants reçoivent des brevets d’officier pour entrer en service actif. Toutefois, en 1942, l’établissement connaît des changements importants. Le 20 juin, on met fin au programme des élèves-officiers. Jusqu’à la fin de la guerre, les bâtiments et installations sont mobilisés au service d’autres formations militaires, comme le programme d’instruction de deux ans de la Marine royale canadienne, les formations pour le personnel et l’instruction au renseignement.
Le nouveau Collège militaire royal, de 1948 à 1995
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le sort du Collège est incertain. Certains exercent des pressions politiques et financières considérables pour qu’il reste fermé; or, de nombreux anciens élèves-officiers et membres du personnel militaire sont en faveur de sa réouverture. En septembre 1945, la question est soulevée à la Chambre des Communes et la décision est prise : le Collège rouvrira ses portes et il sera l’un des nouveaux collèges des forces armées (renommés collèges militaires canadiens en 1968).
Ces collèges triservice sont des établissements militaires dont le mandat consiste à former les élèves-officiers des trois armées, l’Armée de terre, la Force maritime et la Force aérienne. Cette décision découle directement de l’expérience récente des forces armées canadiennes pendant la guerre. Il est clair que les trois armées ont été aussi importantes les unes que les autres durant la Seconde Guerre mondiale, et que la victoire a souvent été tributaire de la coopération entre elles. Deux collèges de la sorte sont d’abord ouverts, le Collège militaire royal à Kingston et le Collège militaire Royal Roads à Esquimalt, en Colombie-Britannique. Un troisième, le Collège militaire royal de Saint-Jean, ouvre ses portes en 1952 à Saint-Jean-sur-Richelieu, au Québec.
La réouverture du CMR en tant que collège triservice est suivie de nombreux changements d’envergure : en 1952, la création du Programme de formation des officiers de la Force régulière (PFOR), qui offre une subvention aux études en échange d’une période de service obligatoire dans la Force régulière; en 1959, le Collège obtient le privilège de décerner des grades en tant qu’université de la province de l’Ontario et, en 1980, l’établissement accueille des femmes pour la première fois. En 1995, avec la fermeture du Collège militaire Royal Roads et du Collège militaire royal de Saint-Jean, le Collège militaire royal redevient le seul collège militaire du Canada à instruire et à former des officiers subalternes.
Le Collège aujourd’hui et l’héritage du passé
Depuis 1995, le CMR ne cesse de se transformer pour satisfaire aux besoins des Forces armées canadiennes (FAC). Depuis son ouverture en 1876, le Collège offre un programme d’études générales combiné à une formation militaire. Le Collège, qui offrait dans son programme initial de la formation sur tous les aspects de la tactique militaire, sur les fortifications, dans le domaine du génie et des connaissances scientifiques générales s’est aujourd’hui transformé en une université moderne, bilingue, offrant des programmes en arts, en sciences et en génie au premier cycle, au deuxième cycle et aux études supérieures. Le Collège, n’étant déjà plus une simple école pour élèves-officiers, s’est élevé au rang d’institution nationale d’importance et d’université pour l’ensemble des FAC.
Dès la toute première promotion d’élèves-officiers en 1880, les diplômés du Collège se sont distingués dans de nombreuses professions civiles et militaires. Ils ont connu le service militaire, en particulier dans la campagne du Nord-Ouest de 1885, dans la guerre des Boers, aux frontières nord-ouest de l’Inde, dans les deux guerres mondiales et en Corée. Plus récemment, d’anciens élèves-officiers ont été au premier plan des engagements de maintien et de rétablissement de la paix du Canada un peu partout dans le monde – notamment en tant que membres des forces de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en Europe, au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Ouest et en Afghanistan, en Afrique, en ex-Yougoslavie, et en Europe de l’Est et centrale (sans compter les voyages dans l’espace). De nombreux anciens élèves-officiers du CMR ont aussi travaillé dans les sphères publique, universitaire, professionnelle et des affaires, en tant que bâtisseurs civils de la nation, comme le voulait le concept d’origine
Les Old Eighteen et les New Hundred
Introduction
Le Collège militaire royal du Canada fut fondé en 1876 en réponse au besoin du Dominion du Canada de former des civils pour en faire des officiers militaires. Cela dit, en plus de préparer les élèves‑officiers à exceller dans le domaine militaire, le Collège proposait une formation universitaire tout aussi prestigieuse aux étudiants ayant opté pour une carrière civile. C’est ainsi qu’il acquit très vite non seulement la faveur de la population canadienne, mais aussi une réputation à l’échelle internationale.
Les deux promotions pionnières de 1876 et 1948 jouèrent un rôle important dans la trame de l’histoire du pays, la première dans la mise sur pied d’un collège militaire canadien et la seconde dans l’élargissement du mandat de ce collège aux trois armées.
Les dix-huit membres de la classe de 1876 sont désormais connus sous le nom des Old Eighteen (les « Dix-huit anciens »), et les étudiants entrés au Collège en 1948 sous celui des New Hundred (les « Cent nouveaux »). Le rôle pionnier de ces deux promotions dans l’histoire du Collège militaire royal est reconnu.
Les motivations derrière l’ouverture du Collège militaire royal en 1874
En 1870-1871, la Grande-Bretagne rappela ses forces armées des colonies. À l’époque, le Canada n’avait pas d’armée permanente propre et s’appuyait beaucoup sur les forces armées britanniques pour sa défense et son instruction militaire. En 1815, un débat de l’Assemblée du Bas-Canada se traduisit par une proposition d’ouverture d’un collège militaire. Malheureusement, des différends religieux et raciaux firent échouer le projet.
En 1816, le capitaine A.G. Douglas suggéra qu’on fonde un collège indépendant de l’Assemblée pour qu’il soit à l’abri des controverses d’ordre religieux, politique et mercantile. Il espérait ainsi rassembler des recrues de différents partis et différentes affiliations pour unifier le peuple canadien. Ces recommandations ne furent toutefois envisagées sérieusement que lorsque les troupes britanniques postées au Canada eurent été rappelées en Grande‑Bretagne.
L’ouverture du Collège militaire royal
À l’époque, la grande majorité des Canadiens ne s’intéressait pas aux affaires militaires et estimait que le coût économique de l’établissement et de l’entretien d’un collège militaire serait trop élevé. Pour rallier assez de suffrages en faveur de la réalisation du projet, le premier ministre Mackenzie dut donc obtenir le soutien politique bipartite des Libéraux et des Conservateurs. Il était entendu dès le départ que le Collège militaire royal ferait l’objet d’une surveillance étroite tant de ses partisans que de ses détracteurs. Le Collège aurait une vocation double : former, d’une part, des officiers hautement qualifiés dans les armes du génie, de la cavalerie, de l’artillerie et de l’infanterie, et proposer, d’autre part, des études en vue d’une vie civile pour ceux qui décideraient de ne pas opter pour une carrière militaire. Le premier ministre MacKenzie espérait que l’ouverture du Collège serait un élément important dans l’édification du pays.
Au début, le Collège était peu connu à l’échelle du pays, d’où la modestie du bassin de candidats initial. L’examen d’entrée étant en outre ardu, huit candidats seulement y réussirent. Un deuxième concours d’entrée fut administré, et encore une fois, il n’y eut que huit candidats qui franchirent l’étape. Deux autres candidats furent admis au programme à une date ultérieure, pour former un effectif total de 18 élèves-officiers, au lieu des 22 suggérés à l’origine pour la première promotion. Cette première classe, qui fut par la suite surnommée les Old Eighteen (les « Dix-huit anciens »), était sous la tutelle du colonel Edward Osborne Hewett, le tout premier commandant du Collège.
Les Old Eighteen
Les Old Eighteen n’avaient pas d’expérience militaire préalable et ne savaient pas vraiment ce que c’était que la vie militaire. À titre d’exemple, M. A.B. Perry n’avait vu dans sa vie qu’un défilé militaire, le 1er juillet 1867, alors qu’il avait dix-huit ans. De même, il n’avait connu qu’un officier militaire, qu’il avait rencontré à l’âge de six ans, et le reste de ses connaissances du domaine militaire se résumait aux histoires sur les forces armées britanniques qu’il avait lues dans le Blackwood’s Magazine.
Le 1er juin 1876, entre 10 h et midi, les nouveaux élèves-officiers se rendirent à la pointe Frederick. Il n’y eut pas de cérémonie spéciale pour l’ouverture du Collège; le premier ministre Mackenzie ne devait s’y rendre que six semaines plus tard. Seuls les membres du personnel et les étudiants du Collège se trouvaient donc dans l’enceinte ce jour-là. Au cours du premier mois, les élèves-officiers s’occupèrent de la confection de leur uniforme et de l’apprentissage des menues tâches ménagères du soldat, comme faire un lit, plier un uniforme et blanchir à la terre de pipe ceintures, équipement et bretelles de fusil en daim.
- A.G.G. Wurtele
- H.C. Freer
- H.E. Wise
- W.M. Davis
- T.L. Reed
- S.J.A. Denison
- L.H. Irving
- F. Davis
- C.A. Des Brisay
- V.B. Rivers
- J. Spelman
- C.O. Fairbank
- A.B. Perry
- J.B. Cochrane
- F.J. Dixon
- G.E. Perley
- H.W. Keefer
- D. MacPherson
Les New Hundred
Le mois de septembre de l’an 1939 marqua le début de la Seconde Guerre mondiale. En 1942, le Collège militaire royal du Canada fut reconverti en établissement d’instruction d’état-major pour les officiers, les élèves-officiers de troisième et quatrième année ayant reçu leur brevet d’officier dès le début de la guerre et ceux de première et deuxième année n’ayant poursuivi leurs études que jusqu’à la fin du printemps 1940 avant de recevoir eux aussi leur commission.
Peu après la fin de la guerre, en septembre 1945, la réouverture du Collège militaire royal aux élèves-officiers fut abordée à la Chambre des communes, où il fut décidé que l’établissement deviendrait un collège triservice et qu’il formerait donc des élèves-officiers des trois armées, soit l’Armée de terre, la Marine et la Force aérienne – une décision découlant directement des expériences récentes des forces armées canadiennes. Il était clair que les trois armées avaient été aussi importantes les unes que les autres durant la Seconde Guerre mondiale, et que la victoire reposait souvent sur la coopération entre elles.
Le Collège accueillit donc 100 nouveaux étudiants le 8 septembre 1948, sous la tutelle du brigadier D.R. Agnew, qui était alors le commandant de l’établissement; la promotion fut surnommée les New Hundred (les « Cent nouveaux »). Deux ans après la réouverture, des étudiants du Collège militaire Royal Roads (1940-1995) à Victoria, en Colombie‑Britannique, commencèrent à arriver au Collège pour y faire leur troisième année et aider à remplir le mandat triservice de l’établissement.
Les suffrages en faveur de l’ouverture et de la réouverture du Collège en 1876 et en 1948
Les Old Eighteen
Les Canadiens ne s’intéressaient pas aux affaires militaires, et la Chambre des communes hésitait dans sa planification en raison des coûts liés au financement du Collège : il fallait réparer ou adapter les bâtiments, et embaucher et payer du personnel. Trouver ce personnel s’avéra en effet extrêmement difficile. Le War Office – le ministère de la Guerre britannique – refusait d’accorder aux officiers l’intégralité de la solde régimentaire s’ils ne figuraient pas sur la liste des officiers britanniques en service actif. Les officiers britanniques n’étaient eux-mêmes pas très enthousiastes à l’idée de travailler avec un gouvernement colonial qui ne s’intéressait manifestement pas aux affaires militaires.
Les New Hundred
Tout le monde n’était pas convaincu que c’était une bonne idée de rouvrir l’établissement en tant que collège. Toutefois, de nombreux militaires et anciens élèves‑officiers du Collège étaient en faveur de sa réouverture. Le Kingston Whig Standard afficha aussi son soutien à la cause par un éditorial publié le 23 février 1946, qui faisait valoir en s’appuyant sur des statistiques le fait que le Collège militaire royal avait fourni un solide noyau d’officiers hautement qualifiés dans toutes le guerres auxquelles le Canada avait participé.
La vie à CMR
Les Old Eighteen
Le programme de cours n’était pas rigide et les cours étaient en constante évolution. Au fur et à mesure de l’admission de nouvelles classes, le commandant Hewitt ajoutait de nouveaux cours au programme. Au début, les matières obligatoires étaient les mathématiques, y compris la trigonométrie plane et la mécanique pratique; les fortifications; l’artillerie; le dessin militaire; la reconnaissance et l’arpentage; l’histoire militaire; l’administration; le droit; la stratégie et la tactique; le français ou l’allemand; le dessin; le drill; l’exercice militaire; et la discipline. Les nouvelles matières ajoutées par la suite furent notamment la géométrie cotée; la géologie, qui oscillait entre la chimie et l’électricité; la gymnastique; et l’équitation.
Les sports devinrent vite florissants au Collège, qui acquit rapidement une solide réputation de compétence sportive.
Les New Hundred
Le programme du Collège pour les élèves-officiers de première et deuxième année comportait les matières suivantes : études militaires; anglais; français; histoire; mathématiques; physique; chimie; dessin industriel; et géométrie cotée. En troisième année, l’élève-officier pouvait choisir entre les arts libéraux et le génie. S’il optait pour les arts libéraux, il choisissait cinq cours de lettres avec une majeure et une mineure en plus des études militaires. S’il optait pour le génie, il se spécialisait en génie civil, mécanique, électrique ou chimique.
À la réouverture du Collège aux élèves-officiers, on reprit les activités parascolaires d’avant la guerre, notamment le Parcours du combattant pour les recrues et la course Harrier. La série de hockey contre West Point reprit également son cours, de même qu’un programme de sports élargi comportant plus d’occasions de jeux intercollégiaux. Le bal de Juin revint aussi au calendrier.
Normes et discipline
Les Old Eighteen
Au début, la discipline était clémente, même si les élèves-officiers ressentaient tout de même les rigueurs de la contrainte en comparaison avec ce qu’ils avaient connu dans la vie civile. Ils n’étaient pas autorisés à quitter le Collège avant d’avoir reçu leur uniforme, et même alors, ils ne l’étaient que sur invitation d’une hôtesse. Un mois après la réouverture du Collège, le commandant Hewitt ordonna qu’on resserre la discipline. Les règlements qui conféraient aux professeurs civils et militaires le pouvoir d’arrestation et aux officiers le pouvoir d’imposer deux jours de drill supplémentaire furent mis en application. Le commandant du Collège avait pour sa part le pouvoir d’imposer jusqu’à 56 heures d’isolement cellulaire.
Les New Hundred
Les règlements disciplinaires conservèrent les mêmes standards qu’avant la fermeture du Collège. Les élèves-officiers et le personnel du Collège militaire royal prenaient toutefois part à plus d’activités socioculturelles qu’avant, et les interactions sociales étaient beaucoup moins formelles. L’intégration des élèves-officiers de Royal Roads arrivant au Collège militaire royal pour leur troisième année d’études commença à poser problème. Quand on procéda à la rotation des postes de commandement au bout de quelques mois, bon nombre des élèves-officiers de Royal Roads reçurent de plus grandes responsabilités, et au fil de cette intégration, des étudiants du Collège militaire royal commencèrent à se plaindre de ce que la discipline était devenue plus rigide et ne suivait plus la philosophie du Collège, selon laquelle celui qui reçoit un ordre doit en comprendre le but. Ces problèmes grandissants d’intégration entre les différents groupes furent toutefois bientôt réglés, et une atmosphère de cohésion s’établit.
La vie après le Collège militaire royal
Les Old Eighteen
Des 18 étudiants qui composaient la toute première classe du Collège militaire royal, cinq servirent à un moment ou un autre au sein des forces armées canadiennes ou britanniques. Les 13 autres eurent des carrières principalement civiles. Deux devinrent présidents d’entreprises de génie; un autre devint surintendant de la Nevada School of Industry. Quatre ans après avoir obtenu leur diplôme, deux des Old Eighteen fondèrent le Club des Collèges militaires royaux : S.J.A. Denison, qui devint le premier secrétaire du Club, L.H. Irving, qui en devint le premier président. L’inauguration du Club des Collèges militaires royaux eut lieu le 15 mars 1884.
Les New Hundred
Lorsque les New Hundred finirent leur programme, en 1952, le Canada était en pleine guerre de Corée et les forces armées avaient décidé d’envoyer tous les nouveaux diplômés du Collège militaire royal immédiatement à ce théâtre d’opérations pour leur service actif. Dans certains cercles, on craignait que l’accent mis sur le programme d’études ait affaibli l’esprit et l’efficacité militaires traditionnels, mais le succès que connurent les diplômés en Corée eut tôt fait de mettre fin à cette inquiétude. Les lieutenants D.G. Loomis (RMC 1948-1952); H.C. Pitts (RMC 1948-1952); A.M. King (RMC 1948-1952); et C.D. Carter (RMC 1948-1952) reçurent la Croix militaire.
Conclusion
À l’origine, le Collège militaire royal du Canada n’était qu’un vague concept recevant peu de soutien à l’échelle nationale. Toutefois, au fil des décennies, et comme l’établissement continuait de remplir son double mandat d’enseignement promotion après promotion, la nation se mit à ressentir de la fierté pour ce qu’il représentait. En 1959, le Collège militaire royal devint légalement en droit d’accorder des diplômes, et aujourd’hui il propose des baccalauréats en arts, en sciences et en génie de même que des programmes spécialisés et des études supérieures. En 1979, le Collège franchit un autre jalon important avec l’arrivée des femmes. Le Collège militaire royal joue un rôle important dans l’histoire du Canada depuis 140 ans et forme des diplômés d’un haut standard d’excellence militaire depuis son ouverture en 1876
L’édifice Mackenzie
Les débuts du Collège militaire royal
L’idée de fonder un collège militaire au Canada vit le jour dès 1815, mais la décision officielle ne fut prise qu’en 1874. À l’époque, la grande majorité des Canadiens ne s’intéressait pas aux affaires militaires et estimait que le coût économique de l’établissement et de l’entretien d’un collège militaire serait trop élevé. Avant que le Canada ne devienne une confédération, les Canadiens s’en remettaient à la Grande-Bretagne pour leurs défense et leur instruction militaire, et ils considéraient que la milice en place était suffisante. Le premier ministre Alexander Mackenzie, reconnaissant le besoin en officiers et en ingénieurs dûment formés pour le développement d’un Canada récemment devenu indépendant, fit campagne pour la fondation d’un collège militaire canadien.
Au 1er juin 1876, la première promotion – connue sous le nom des « Old Eighteen », les Dix-huit anciens – était accueillie dans l’enceinte du Collège. Les Old Eighteen avaient très peu, voire pas du tout, d’expérience des forces armées. Toutefois, tant les nouvelles recrues que leurs supérieurs eurent tôt fait d’apprendre ce qu’on attendait d’un collège militaire, notamment des uniformes impeccables et des drills quotidiens. Les quelques premières années, le Collège se développa lentement. Les Canadiens restaient sceptiques à l’égard de l’établissement, et le War Office – le ministère de la Guerre britannique – trouvait qu’il produisait des officiers de moins en moins qualifiés. Toutefois, entre la fin des années 1890 et le début des années 1900, le Collège se lança dans des changements radicaux, avec un nouveau commandant plus strict, de grands projets de construction pour agrandir le campus et un nombre croissant d’inscriptions.
L’édifice Mackenzie
Le Collège militaire royal ouvrit ses portes à la première promotion de dix-huit élèves-officiers avec un seul immeuble à son service, la Frégate de pierre. En 1877, cette Frégate de pierre, qui abritait les casernements, les salles de classe, la salle à manger, les cuisines et l’infirmerie, était – rien de surprenant à cela – surchargée. Le colonel E.O. Hewitt, le premier commandant du Collège, préoccupé par le manque d’infrastructures, encouragea la construction de nouveaux bâtiments pour accommoder le développement du Collège. Un nouveau pavillon d’enseignement et de mess au nord du terrain de parade figurait sur le plan de construction à l’origine en 1875, mais l’approbation pour l’ériger ne fut reçue qu’en avril 1877. Les travaux de construction du pavillon d’enseignement commencèrent donc cet été-là pour se terminer en juin 1878. L’immeuble abriterait la bibliothèque, des salles de classe, des cuisines, une salle à manger pour les élèves‑officiers, et des bureaux administratifs comme le Bureau du commandant, la seule salle qui ait conservé sa vocation d’origine. La construction du nouveau pavillon d’enseignement libéra de l’espace dont on avait bien besoin dans la Frégate de pierre pour loger les élèves-officiers et le personnel. Il s’agissait de la première vague d’expansion du Collège, et l’immeuble demeure à ce jour un élément central de l’établissement. Il serait plus tard renommé édifice Mackenzie, en l’honneur du premier ministre Alexander Mackenzie.
L’architecture de l’édifice Mackenzie
Le pavillon d’enseignement, ou l’édifice Mackenzie, est l’un des immeubles les plus reconnaissables du Collège militaire royal du fait de son architecture distinctive. Le bâtiment reflète le style Second Empire, ou Mansard, qui est devenu populaire au Canada dans les années 1870. Souvent utilisé pour des immeubles d’enseignement ou à vocation institutionnelle, ce style visait à conférer aux immeubles un air de dignité et de puissance et à leur donner du cachet. Les immeubles du Parlement de Québec et de l’hôtel de ville de Montréal sont d’autres exemples du même style.
Le ministère des Travaux publics, sous la supervision de l’architecte en chef Thomas Scott, entama la construction du pavillon d’enseignement en 1877. Les dessins et les travaux furent supervisés par l’architecte de Kingston Robert Gage, qui était féru du style Second Empire.
L’édifice Mackenzie est caractéristique du style Second Empire avec son toit mansardé, la symétrie de sa volumétrie (de sa configuration), sa haute tour centrale, ses lucarnes, sa grande arche d’entrée en plein cintre et le tracé unique de son toit, accentué par le fer forgé et les cheminées de pierre au détail classique. Dans la tour centrale, l’entrée principale est ornée d’une structure de stuc travaillée, de voûtes d’arêtes (ou voûtes en arcs-doubleaux), et de chapiteaux corinthiens. Les couloirs principaux étaient ornés de hauts plafonds, de lambris de près d’un mètre de haut, de boiseries finement travaillées et d’un magistral escalier à double volée sis au centre de l’immeuble. Une fois construit, l’édifice fut muni de commodités modernes comme des sonnettes et des monte-plats, pour un grand total de 45 475 $.
Serait-ce la fin du vieux pavillon d’enseignement?
Au sortir de la Première Guerre mondiale, le lieutenant général Sir Archibald Cameron Macdonell assuma les fonctions de commandant du Collège militaire royal, et son arrivée coïncida avec l’expansion des installations du Collège. Les prédécesseurs de Macdonell avaient avancé la nécessité d’un nouvel immeuble universitaire moderne pour accueillir les effectifs croissants de l’Escadre des élèves-officiers, et en 1917, le gouvernement finit par approuver. Le ministère des Travaux publics décida qu’il serait plus rentable d’abattre l’édifice Mackenzie, qui était vieux et suranné, et de le remplacer par un immeuble plus moderne. Cet immeuble deviendrait le nouveau pavillon universitaire.
En raison du financement limité et de la nécessité de continuer à utiliser l’édifice Mackenzie durant les travaux, on avait prévu d’échelonner la construction du nouvel immeuble sur deux phases. Toutefois, quand les travaux de construction de l’aile Ouest du nouveau pavillon universitaire furent terminés, en 1921, on était à court de financement pour détruire l’édifice Mackenzie et construire l’aile Est. Les dépenses militaires avaient été réduites après la guerre, et le collège militaire était une proie facile des réductions budgétaires. L’édifice Mackenzie finit donc par être modernisé puis relié au nouveau pavillon d’enseignement, regroupement qui donna au duo son étrange silhouette qui continue à ce jour de mystifier les membres de la communauté du CMR et les visiteurs.
Des monuments commémoratifs furent intégrés aux deux bâtiments en l’honneur de ceux qui avaient servi durant la guerre. L’escalier principal de l’édifice Mackenzie devint un monument aux diplômés du Collège morts durant leur service. Dans le nouveau pavillon d’enseignement, connu aujourd’hui sous le nom d’édifice Currie, une grande salle commémorative fut bâtie en hommage au Corps canadien, qui avait servi durant la Première Guerre mondiale sous les ordres de sir Arthur Currie.
Le vieux pavillon d’enseignement passe au feu
Depuis sa construction, l’édifice Mackenzie est un important élément d’architecture de la pointe Frederick. L’édifice Mackenzie a aussi été le site d’événements extraordinaires. Instant figé sur une photographie spectaculaire, la tour de l’horloge fut frappée par la foudre en août 1991. Les services d’incendie tant des Forces canadiennes que de Kingston sont intervenus pour maîtriser l’incendie, qui prit plus d’une heure à éteindre. Heureusement, le feu fut contenu dans le haut de la tour, laissant la majeure partie du reste de l’immeuble indemne.
Ce n’était pas la première fois que l’édifice Mackenzie passait au feu. Le premier grand incendie documenté de l’édifice avait eu lieu le 12 mai 1931 et causé des dommages s’élevant à 40 000 $. Le feu avait gravement endommagé le haut de l’aile Ouest et la salle de mess supérieure, le reste de l’aile et le centre de l’immeuble n’étant pas épargnés non plus en raison de l’eau et de la fumée. La plus grande perte fut subie par la bibliothèque, au coin supérieur Sud-Ouest : près de la moitié de la collection de livres fut perdue. L’incendie donna lieu à l’ajout de quelques parties plus modernes à l’édifice, notamment une nouvelle bibliothèque plus grande sur mesure, ainsi que de « merveilleuses » nouvelles salles de lecture et de séjour pour les élèves-officiers. Un deuxième incendie, causé par une explosion dans la tour de l’horloge, eut lieu dans les années 1970.
L’édifice Mackenzie modernisé
L’édifice Mackenzie fut la première structure à être construite pour les besoins du Collège et aux fins de la formation d’ingénieurs militaires et civils au Canada. Fruit d’une des nombreuses expansions du Collège, il était à l’origine la solution à un problème de manque d’espace dans l’établissement à ses débuts. L’édifice a été classé édifice fédéral du patrimoine en raison de ses liens historiques et de son style architectural distinctif. Depuis 1878, il a été modernisé de diverses façons pour être adapté aux besoins du Collège tout en conservant sa conception et son plan intérieur d’origine. Il a accueilli l’élite sociale et intellectuelle de Kingston ainsi que des activités traditionnelles du Collège comme le bal de Juin, et a été associé à des événements de portée nationale comme la conception du drapeau canadien. Aujourd’hui, l’édifice Mackenzie est le centre administratif du Collège. Le commandant et son état-major y sont basés, de même que le recteur, le secrétaire général et d’autres éléments administratifs. L’édifice Mackenzie est un symbole de la fondation du Collège militaire royal et de la pérennité de son patrimoine.
Lieutenant‑général Sir Archibald Cameron Macdonell, K.C.B., C.M.G., D.S.O., LL.D.
Le général Macdonell était connu comme un chef au tempérament bouillant, au cœur généreux et au courage téméraire face à l’ennemi, ce qui lui valut le surnom de « Mac le combatif » ou « Mac le cinglé ».
Diplômé du CMR en 1886 en tant que cadet SMC et athlète remarquable, il est devient membre de l’Artillerie royale, mais n’intègre pas ce poste. Il se joint à l’École d’infanterie portée en 1888, puis échange son emploi contre un autre dans la police à cheval du Nord‑Ouest, où il sert pendant 16 ans. Durant ce service, il participe à la guerre d’Afrique du Sud avec le 2e Bataillon canadien de fusiliers à cheval et y mérite l’Ordre du service distingué (D.S.O.) pour sa bravoure au combat.
De retour dans l’armée, il devient commandant du Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) de 1907 à 1910 puis de 1912 à 1915, quittant cette fonction pour devenir commandant de la 7e Brigade puis, après la bataille de la crête de Vimy, de la 1re Division du Canada.
L’Héritage de Macdonell
En juillet 1919, on lui demande de différer sa retraite pour être le premier officier canadien à devenir le commandant du Collège militaire royal, où il sert jusqu’en 1925. Macdonell projette de faire du CMR la meilleure institution pour développer et former les futurs dirigeants de l’armée canadienne. Il a des plans ambitieux et des buts élevés pour agrandir le Collège et bâtir son avenir.
Pendant son mandat au CMR, Macdonell rétablit l’uniforme rouge, agrandit les logements du campus pour le nombre croissant de cadets, remplace les examens d’admission par les examens d’enrôlement provinciaux plus courants, et rétablit les cours de préparation et de remise à niveau pour le personnel du Collège ainsi que le cours long de qualification de la milice. Il rénove aussi le Fort Frederick, y installe le mât de drapeau, nomme les routes du Collège, ouvre un musée et une aire récréative de recrutement dans la tour Martello du Fort Frederick.
Les réalisations de Macdonell au CMR
1919 - Reçoit le premier ensemble de drapeaux consacrés et bâtit la patinoire Holt
1920 - Approuve officiellement les armoiries du CMR, commence les travaux sur l’escalier commémoratif, crée le prix Van der Smissen et The Review
1921 - Inaugure le nouveau bâtiment éducatif, abritant la salle Currie
1922 - Inaugure la salle Currie et remplace le programme éducatif de trois ans (datant de 1897) par un programme de quatre ans
1923 - Instaure le match de hockey international avec l’Académie militaire de West Point aux États-Unis
1924 - Dévoile l’arc commémoratif
l’Escalier commémoratif
Le major‑général Macdonell a créé l’escalier commémoratif pendant l’année scolaire 1921‑1922. L’escalier vise à commémorer les anciens cadets du Collège qui sont morts pendant la formation ou le service actif. Macdonell a ajouté les photographies de chacun des 170 cadets morts avant ou durant la Première Guerre mondiale le long des murs de l’escalier, qui a été conservé et est encore actualisé. Trois fenêtres à vitraux ont été installées pour commémorer les trois cadets qui se sont noyés en 1903 et à l’été de 1913.
Le but de l’escalier commémoratif est de rappeler aux cadets, aux enseignants, au personnel et aux visiteurs du Collège le sacrifice héroïque de ces cadets morts en service et de commémorer de manière durable les cadets qui se sont sacrifiés pour leur pays.
Le premier ensemble de drapeaux consacrés
Son Altesse Royale Edward, prince de Galles, a offert au Collège son premier ensemble de drapeaux consacrés lors de sa visite au Canada pour remercier le dominion de sa contribution importante durant la Première Guerre mondiale. Le général Macdonell et le prince Edward ont servi ensemble pendant la guerre, alors que le prince était officier de liaison pour le quartier général de la 1re Division, qui était sous le commandement du général. Les deux parties se sont entendues pour arranger une invitation et le commandant a fait fabriquer à Ottawa les drapeaux consacrés du roi et du Collège. Le 25 octobre 1919, le prince a présenté les drapeaux au bataillon de cadets, puis a livré un discours officiel à la place d’armes et inspecté les cadets.
Les drapeaux ont été portés au Collège jusqu’en 1942, quand le CMR a été fermé en tant que collège de cadets pour la durée de la Deuxième Guerre mondiale. Les drapeaux ont été placés en lieu sûr dans la cathédrale St George’s de Kingston, où ils sont toujours exposés aujourd’hui.
Le prix Victor Van der Smissen
Les principaux prix décernés dans les années 1920 étaient le sabre d’honneur et les médailles scolaires de bronze, d’argent et d’or. À ces récompenses, le général Macdonell a ajouté un nouveau prix, nommé d’après le capitaine Victor Van der Smissen (CMR 1911-1914), qui a été tué en action le 13 juin 1916 à mont Sorrel, en Belgique.
Le prix devait « être décerné chaque année au meilleur élève-officier dans l’ensemble, moralement, intellectuellement et physiquement, qui est diplômé du Collège militaire royal et occupe un poste… ». Le récipiendaire était choisi par un vote des cadets eux-mêmes, qui nommaient le cadet le plus distingué du Collège.
Le sergent‑major du bataillon des cadets n’était pas admissible à la liste d’honneur ni le commandant de l’escadre des cadets aujourd’hui. Le commandant pouvait opposer son veto, mais pas imposer son propre choix. En 1924, aucun prix n’a été décerné, car le commandant ne voulait pas accepter le choix des cadets.
Le prix est constitué d’un chèque et d’une histoire reliée et illustrée de Van der Smissen, et il a été présenté pendant de nombreuses années par sa sœur, Mme G. L. Ridout. Après la Deuxième Guerre mondiale, le prix a été renommé pour inclure le nom de son fils, le major W. L. Ridout (no 2415), un Ghurka qui a été tué en Malaisie en décembre 1941.
Le premier cadet à recevoir le prix Van der Smissen a été le SMC no 1353 H. A. McDougall.
Hockey international
La partie de hockey entre West Point et le CMR est la plus longue rivalité internationale en hockey jusqu’à présent. Le général Macdonell et le général Douglas MacArthur, surintendant de West Point, partageaient un intérêt pour les compétitions athlétiques et ont organisé les rencontres. La première partie a été disputée le 3 février 1923 à l’Académie militaire des États‑Unis et le CMR a gagné par un pointage de 3‑0.
Au début, le surintendant ne pouvait pas promettre de revenir pour un deuxième match, mais l’année suivante les cadets de West Point sont venus jouer à Kingston. La partie de hockey de 1924 entre le CMR et West Point était le premier voyage international en uniforme des cadets de West Point et la première partie qu’ils jouaient en tant qu’équipe visiteuse.
Bien qu’il y ait eu quelques interruptions dans son histoire, la partie continue d’être jouée chaque année et les deux institutions l’organisent en alternance.
Armoiries du CMR
Le premier commandant, le colonel Hewett, a dessiné les armoiries du CMR autour de 1878. Son premier usage officiel connu est son utilisation sur le diplôme du le premier cadet, A. G. G. Wurtele. Les armoiries complètes, surmontées d’un ruban contenant la devise et soutenues par un autre ruban indiquant « Royal Military College Canada » apparaissent dans le coin supérieur droit du diplôme. Celui-ci est daté du 30 juin 1880 et porte les signatures du capitaine J. B. Ridout, adjudant du personnel, et du colonel Hewett, commandant.
Les armoiries et les symboles qui en proviennent ont été utilisés pendant quarante ans, sans approbation officielle. Le major‑général Macdonell a demandé au prince de Galles son approbation, qui a été accordée le 21 juillet 1920 par Sa Majesté le roi George V. Comme faveur royale spéciale en reconnaissance des services des ex-cadets en temps de guerre, le roi a approuvé la rare inclusion du drapeau du Royaume‑Uni dans les armoiries.
Salle Currie: Un mémorial Corps canadien
Construit dans le nouveau bâtiment éducatif, la salle Currie a été bâtie en tant que mémorial dédié au Corps canadien et à son rôle durant la Grande Guerre. Le concept du mémorial a été décrit par le général Macdonell comme un témoignage de l’identité canadienne et du triomphe du Corps canadien. La salle a été conçue pour inspirer les futurs cadets et rappeler à ceux qui s’y trouvent la force et les sacrifices des Canadiens pendant la Grande Guerre pour les générations à venir.
La salle a été inaugurée officiellement le 17 mai 1922. Conçue par le major Percy Nobbs et Ramsay Traquair de l’École d’architecture de McGill, la salle contient les insignes et les écussons distinctifs de toutes les unités qui ont formé le Corps canadien, qui ont été peints par le major Duncan Forbes. Les portraits des commandants ont été ajoutés dans la salle et peints par des Canadiens : Joseph Rawbon et Sir Edmund Grier. Depuis son ouverture, la salle a été utilisée pour de nombreux événements au CMR, dont des danses, des cérémonies de remise des diplômes, des mariages, etc.
L’arc commémoratif
En 1919, le Club du CMR entreprit de recueillir les 65 000 $ nécessaires pour bâtir un mémorial consacré aux 152 anciens cadets tués durant la Grande Guerre, y compris les 11 autres cadets qui étaient décédés plus tôt en service impérial. Conçue par John M. Lyle de Toronto, l’arc est creux, construite en calcaire de l’Indiana poli sur une base de granite du Québec. Deux plaques de laiton montrent les noms originaux.
À l’invitation du général Macdonell, S.E. le feld‑maréchal et vicomte Byng de Vimy, commandant du Corps canadien à la bataille de la crête de Vimy, a posé la première pierre le 25 juin 1932. Mme Joshua Wright, mère de la croix d’argent de deux anciens cadets, major G. B. Wright (CMR 1900-1903), D.S.O., R.C.E., et son frère, major J. S. Wright (CMR 1908-1911), 50e Bataillon CEC (Gordon Highlanders of Canada) a présenté l’arc le 15 juin 1924. L’arc a servi d’entré dans le collège jusqu’à la fin des années 1970.
« Bill et Alfie » : Un ornement insolite au Collège militaire royal du Canada
Le Collège voyait naître son dernier, et plus improbable, hommage aux morts de la Grande Guerre. Deux bossages (saillies de type gargouille) à l'effigie des personnages de bande dessinée Old Bill et Alfie sont venus parer la porte latérale de l'édifice Yeo, la nouvelle salle à manger des élèves-officiers. Old Bill et Alfie sont deux des personnages de bande dessinée inventés pendant la guerre par le capitaine Bruce Bairnsfather, du Royal Warwickshire Regiment.
par Ross McKenzie, Conservateur émérite, Musée du CMR
Pour les Canadiens, la Première Guerre mondiale (ou la Grande Guerre, comme elle fut appelée à l'époque) a commencé au mois d'août 1914. Toutefois, même si le plus gros des combats a pris fin le 11 novembre 1918, à la signature de l'armistice avec l'Allemagne, dans les faits, pour le Canada, la guerre ne s'est pas terminée avant le milieu de 1919, quand les troupes canadiennes déployées au sein de la Force d'intervention alliée en Russie se sont enfin désengagées.
On estime qu'au total, la Grande Guerre a fait 17 millions de morts et 20 millions de blessés - ce qui en a fait le conflit le plus meurtrier de l'histoire de l'humanité. Pour le Canada, cette guerre s'est soldée par près de 61 000 morts et de 172 000 blessés. Ce conflit brutal et chèrement disputé a non seulement laissé dans son sillage des hommes brisés corps et esprit, mais aussi infligé de profondes blessures à la psyché de la nation tout entière. Dans l'après-guerre immédiat, l'angoisse existentielle et le deuil collectif se sont notamment manifestés à travers le pays par l'édification de milliers de monuments et d'autres hommages aux morts, le chagrin s'accompagnant d'un grand sentiment de fierté envers les prouesses du soldat canadien. Si le champ de bataille de la crête de Vimy n'est pas à proprement dit le " berceau de la nation canadienne ", la fierté inspirée par les hauts faits du Canada pendant la guerre n'en a pas moins joué un rôle catalyseur dans le renforcement du patriotisme canadien et l'évolution politique du pays vers son indépendance de l'Empire britannique.
Les anciens élèves-officiers du Collège militaire royal du Canada ont joué un rôle important dans les différents théâtres d'opérations de la Grande Guerre, tant au sein des forces armées canadiennes qu'auprès des autres forces de l'Empire britannique. Bien que les effectifs du Collège avant la guerre aient été relativement faibles - le contingentement de l'établissement était adapté aux besoins d'une armée et d'une milice de petite taille, un conflit de l'envergure de la Grande Guerre étant à l'époque inconcevable - les anciens élèves-officiers ont tout de même joué un rôle de premier plan durant ce conflit. En effet, quand la 1re Division canadienne a été déployée outre-mer, 22 pour cent de ses commandants et de ses officiers d'état-major étaient d'anciens élèves-officiers; et au moment où l'Armistice a été signée, l'effectif du Corps expéditionnaire canadien était composé de 23 pour cent d'anciens du Collège. Par ailleurs, quelque 147 anciens élèves-officiers en service - soit un peu plus de 10 pour cent d'entre eux - ont été tués au combat.
Au tout début de l'après-guerre, le Collège militaire royal a érigé des monuments commémoratifs et établi d'autres sites commémoratifs en l'honneur des victimes. Les noms de rue et d'éléments topographiques dans l'enceinte du Collège ont été renommés d'après les grandes batailles; les membres de la promotion de 1910 ont planté huit bouleaux à la mémoire de huit de leurs camarades de classe tombés au champ de bataille; le nouvel auditorium, inauguré en 1922 sous le nom de Sir Arthur Currie Hall, a été décoré pour commémorer le service du Corps canadien; et le grand monument commémoratif de guerre du Collège, l'Arc commémoratif, a été officiellement dévoilé en 1924.
Une décennie plus tard, le Collège voyait naître son dernier, et plus improbable, hommage aux morts de la Grande Guerre. Deux bossages (saillies de type gargouille) à l'effigie des personnages de bande dessinée Old Bill et Alfie sont venus parer la porte latérale de l'édifice Yeo, la nouvelle salle à manger des élèves-officiers. Old Bill et Alfie sont deux des personnages de bande dessinée inventés pendant la guerre par le capitaine Bruce Bairnsfather, du Royal Warwickshire Regiment. Ces personnages représentaient " Monsieur Tout-le-Monde " - tous ces soldats dépenaillés mais tenaces de la ligne de front qui faisaient face à tout ce que l'ennemi, leurs sous-officiers, leur officiers et leur état-major leur assenaient. Connus et aimés de tous (sauf peut-être des officiers supérieurs, qui étaient souvent les cibles de la satire du capitaine Bairnsfather), ces personnages étaient populaires tant auprès des soldats au front que des civils au pays. Les dessins du capitaine Bairnsfather ont beaucoup contribué à maintenir le moral des troupes, et le libellé de son esquisse la plus connue, " Si tu connais un meilleur trou, vas-y donc! ", est devenu le slogan de toute une génération.
Nul ne sait pourquoi ni comment Old Bill et Alfie ont fait leur entrée au Collège, mais on raconte que le commandant du moment était un grand adepte de ces personnages (de 1919 à 1945, tous les commandants du Collège étaient des vétérans de la Grande Guerre). Tapi dans un recoin du deuxième étage de la nouvelle salle à manger des élèves-officiers, un mess des officiers était accessible par l'escalier d'une entrée latérale ornée de ces deux fameuses têtes. Le bar portait le nom de « Bill and Alfie's ». Il y a bien longtemps que le Mess des officiers a déménagé, mais l'espace-bar d'origine, qui fait désormais partie d'un grand Mess et centre de loisirs des élèves-officiers, est toujours connu sous le nom de « Bill and Alfie's ».
La Grande Guerre - la première guerre industrielle de masse qu'ait connue le monde - fut une catastrophe planétaire qui donna naissance à un siècle de changements, de conflits et de révolutions. Le titre d'un livre récent de Margaret MacMillan, The War That Ended Peace (littéralement, « la guerre qui mit fin à la paix », version française intitulée Vers la Grande Guerre - Comment l'Europe a renoncé à la paix), le dit bien, et nous sommes encore aujourd'hui confrontés aux conséquences de ce conflit. Mais malgré toutes les horreurs de la guerre, ne sied-il pas que l'un des hommages de la Grande Guerre qui perdurent au Collège militaire royal soit l'effigie de deux personnages de bande dessinée, symboles non de chagrin ou de désespoir, mais de l'indomptable esprit humain, qui triomphe de l'adversité et porte en lui la promesse d'un monde meilleur?